mercredi, juillet 04, 2007

Un rude hiver, de Raymond Queneau


C'est un classement illusoire mais si on me pose une question idiote du genre, je réponds que c'est celui-ci mon livre préféré de mon auteur préféré.

Un peu par provocation car le livre est peu connu et l'auteur souvent mal connu, il est vrai qu'il n'est pas facile à cerner, avec son habitude d'écrire des livres le plus totalement différents les uns des autres, et de faire nombre d'expérimentations littéraires.
Malgré tout il jouit auprès d'un certain nombre de happy few d'une réputation certaine, aussi bien l'auteur que ce livre-là :

"Il ne se passe apparemment pas beaucoup de choses dans Un rude hiver : un réactionnaire plein de rancoeurs va déjeuner chez son frère, se promène au bord de la mer avec une Anglaise en uniforme, et emmène au cinéma deux enfants qu'il a rencontrés dans un tramway. La première fois, je me suis émerveillé de cette histoire tranquille en me demandant comment elle faisait pour m'émouvoir. Depuis, à chaque relecture, je découvre un détail auquel je n'avais pas prêté attention.
... de surprise en surprise, de découverte en découverte, Un rude hiver, pour moi, s'achemine doucement vers l'inépuisable
" (Georges Pérec)

Je n'aurais pas mieux dit, et moi aussi je l'ai lu un certain nombre de fois, sans vraiment réussir à comprendre à quoi tient son charme, sinon que ce roman représente pour moi la quintessence de la littérature, comme Art de transfigurer le banal en quelque chose d'Autre et d'utiliser les mots comme un peintre use de touches de couleurs pour construire son tableau.
Du fait même de sa relative brièveté il montre mieux que d'épais romans à quel point chaque mot participe d'un tout et est pensé et réfléchi par l'auteur pour un effet bien défini sur le lecteur. A ce niveau de perfection il n'y a pas un mot qui pourrait être oté ou rajouté au texte sans que l'ensemble en souffre.
Seulement tout se joue sur la forme, et un lecteur qui lit ça entre un thriller à suspense et le dernier témoignage à la mode, ne verra pas le moindre intéret à cette histoire volontairement simple.
Queneau ne tenait certainement pas à ce que l'intelligence du lecteur soit occupée à trouver le coupable d'un crime ou savoir si le héros va sauver le monde à la fin du livre, mais occupée à s'interroger sur la manière dont l'histoire est contée.