jeudi, avril 17, 2008

Joseph Delaney : l'apprenti épouvanteur

De prime abord cette série n'avait rien pour m'attirer : des sorcières assoiffées de sang, des spectres, des démons, des cimetieres, des sabbats sous la lune, toute la panoplie de l'épouvante gothique à bon marché, jusqu'au titre et aux avertissements de la 4e de couverture : "Attention ! Histoire à ne pas lire la nuit...".

Et d'ailleurs je l'ai longtemps laissée sur les étagères du rayon jeunesse des bibliothèques.
Que ce soit dans les films, les livres ou les fetes foraines, se faire peur pour se faire peur n'a jamais été ma tasse de thé.
Mais une fois entré dedans par curiosité et désoeuvrement un jour j'ai été séduit, et j'ai pu constater que je n'avais nullement peur, et pas seulement parce que je suis adulte, filsainé et fifille les lisent, et le soir y compris, sans ressentir d'angoisse.

Alors ça parle de quoi, ça se situe où ?
euh
en Angleterre, dans une sorte de moyen-âge vague et intemporel.
Et il y a de vraies sorcières, elles ont des pouvoirs puissants, mais certaines sorcières sont bienfaisantes, comme la mère de notre jeune héros, et contre les malfaisantes des hommes se lèvent, des savoirs et des méthodes existent, pour combattre le mal. Avec des chaines d'argent, des fosses, des cercueils, des batons. Ces hommes ce sont les épouvanteurs.
Leur métier est dur, mal reconnu, l'Eglise les juge souvent aussi mal que les ennemis qu'ils combattent et pourtant ce sont les seuls efficaces contre les progrès des forces obscures.
Certains sont quasi prédestinés à se lever pour la défense du bien, ce sont les septièmes fils de septièmes fils, tels notre héros, qui va devenir apprenti de l'épouvanteur du comté.
Sa vie sera mouvementée, menacée de nombreuses fois, et pas seulement sa vie, son âme également, il devra faire preuve d'un courage constant, de sagesse aussi. Il connaitra la peur, le froid, la douleur, l'amour.
Le combat contre le mal n'ayant jamais de fin, on peut imaginer que la série ne finira jamais...
Ses qualités ?
Une écriture soignée, élégante et sobre, dont bien des auteurs de littérature adulte devrait s'inspirer (et non je ne citerai pas de nom)
Des intrigues palpitantes, imprévisibles, un suspense qui tient en haleine tout le long des livres, des personnages subtils et profonds, un univers à moitié familier, à moitié étranger mais parfaitement logique.

Ses défauts ?
je ne vois pas. Pas d'humour certes, mais je trouve que ça n'irait pas, de toute façon, des traits d'humour dans ces romans-là, dont seuls le sérieux et l'intelligence avec lesquels ils sont construits les sauvent justement du ridicule que devraient avoir des histoires où des sorcières vous poursuivent avec des ciseaux. (entre autres)

lundi, avril 14, 2008

Eva Ibbotson : Reine du Fleuve

Un roman tendre et limpide dans la pure tradition des romans anglais qui opposent la rigidité et l'inhumanité d'une certaine éducation typiquement anglaise, aux élans du coeur et à la spontanéité d'enfants plein de vie, de tendresse et d'ouverture aux autres et au monde.

Ici une jeune orpheline à héritage échappe à une institution étouffante de l'Angleterre victorienne pour devenir la proie d'une famille malveillante et névrosée installée sur les bords de l'Amazone, et colons anglais jusqu'au bout des ongles dans tout ce que cela peut comporter d'étriqué, sournois et raciste.

Ce sont les indiens d'abord, puis une autre orphelin au grand coeur, métis, qui feront découvrir à l'héroïne un monde de chaleur et de couleur, d'aventures et de découvertes, et la sauveront d'une inexistence terne et triste, et des griffes mortelles de l'avidité.

mercredi, avril 02, 2008

Donna Leon : les enquêtes du commissaire Brunetti

Les 14 (environ) enquêtes vénitiennes de Guido Brunetti se lisent toutes avec plaisir et intéret, à la fois comme des des énigmes policières, comme des plongées dans la société italienne, et comme des visites touristiques de Venise hors des sentiers battus par les touristes.

Le personnage central des livres de Donna Leon, c'est Venise, ses rues labyrinthiques, ses palais pourrissants, sa lagune trainant des cadavres de temps en temps, son âme légèrement corrompue, sa langue, dialecte que ne comprennent que les Vénitiens de naissance.

On suit avec étonnement ou amusement les errements de l'enquête devant faire avec la corruption ou l'incompétence de tous les services de l'Etat, aromatisés de ses étranges rapports sociaux souterrains entre les Vénitiens, faits de clientélisme et d'échanges de bons procédés, on observe la fracture entre l'Italie du Nord et celle du Sud, on voit parfois les tentacules de la Mafia atteindre même l'orgueilleuse et antique cité des Doges.

On suit aussi le commissaire rentrant chez lui, dégustant des plats typiques pour lui et exotiques pour nous, partageant sa vie avec sa femme et ses enfants, et malgré l'éloignement là on se retrouve dans cette petite cellule familiale, de bon aloi mais pas trop idéalisée.

On découvre le petit monde du commissariat, avec son patron politicien et aristocrate jusqu'au bout de ses chaussures de luxe, ses secrétaires stupides ou hacker de génie, ses policiers cruels, ou bornés ou qui font plus qu'honneur à leur uniforme, jusqu'au sacrifice parfois.
Et puis on retrouve les mêmes vices , conduisant aux mêmes morts violentes, que dans le reste du monde.