jeudi, novembre 20, 2008

Annie Pietri : l'espionne du Roi-Soleil , le collier de rubis

Alix de Maison-Dieu a 17 ans, du sang bleu, toute la fougue et la révolte de l'adolescence, une soeur jumelle plus contemplative, Clémence, qui veut entrer au couvent, un jeune frère Louis-Etienne, prompt à se mettre dans de facheuses situations, une mère sage et douce, un père qui meurt à la guerre et les laisse malheureusement sous la tutelle de son frère le cruel et sournois Baron de Grenois.
Celui-ci ne cessera d'ourdir des complots et machinations afin d'épouser sa belle-soeur ou s'approprier la fortune familiale, et Alix les déjouera par son courage et son intelligence, et un peu aussi grâce à sa beauté et à un jeune Louis XVI qui a besoin d'une jeune espionne pour découvrir qui empoisonne sa favorite.



La Cour de Versailles est peinte sans angélisme, avec sa crasse sur les murs et dans le coeur d'une aristocratie généralement perverse ou corrompue, à l'opposé de nos héros, purs, braves, vertueux et loyaux. Evidemment.
Mais on tombe sous le charme d'Alix et de ses aventures à la fois policieres et de cape et d'épée.

vendredi, novembre 14, 2008

Le Royaume d'Outrebrume, de M.I. McAllister

" Elle voyait le jour en Outrebrume, l'île gouvernée avec sagesse et vertu par ses parents et leurs capitaines, à l'abri des brumes enchantées qui l'entouraient. En grandissant elle apprendrait tout ce qui concernait son île; à quel point étaient rares les bateaux qui pouvaient l'atteindre en traversant les brumes, comment aucun de ceux qui étaient de l'île ne pouvait la quitter par la mer et y revenir par la mer. Il était risqué de franchir les brumes. Peu d'animaux quittaient l'île, et moins encore parvenaient à y revenir - mais la plupart n'auraient pu imaginer quitter Outrebrume, ses vaillantes loutres, ses écureuils plein d'allant, ses taupes et ses hérissons loyaux et travaillant dur. Il y avait des bois et des rivages, des terriers et des tunnels, des grottes et des chutes d'eau, des collines et des vallées, plein de bonnes choses à manger, des amis sincères, et le roi et la reine dans la tour d'Outrebrume surplombant les rochers."

Si cette description ne vous donne pas envie d'embarquer pour l'île d'Outrebrume c'est que vous avez peut-etre tué en vous le petit enfant rêveur et je ne vous en félicite pas.

On pourrait trouver que l'univers imaginaire de Margi MacAllister, peuplé d'animaux civilisés dans un décor médiéval et fantastique, ressemble un peu trop à celui des chefs d'oeuvre de Brian Jacques (Redwall/Rougemuraille, Martin le guerrier, etc) mais son écriture est différente et ses intrigues aussi fortes et ses rebondissements tout aussi imprévus.

On suit l'écureuil Oursin des Etoiles depuis sa chute du haut du ciel, bébé, lors d'une nuit d'étoiles filantes prélude à de grands changements, dans son apprentissage de la vie, de la douleur, de la trahison et de l'amitié, jusqu'à l'âge adulte ou presque.

Mais ce héros n'est qu'un personnage dans une galerie haute en couleur d'animaux uniques et bien campés, tous attachants, jamais simplistes.

On n'y trouve pas seulement les aventures habituelles des romans jeunesses fantastiques mais également des thèmes plus rarement traités dans ce genre :

l'eugénisme et l'euthanasie des bébés différents ou handicapés, les régimes politiques, la nécessaire désobéissance aux pires, la difficulté parfois de distinguer un tyran dans un habile démagogue menteur et rusé (je ne pense à personne en particulier !), la puissance des rumeurs sur l'opinion, et des réflexions quasi shakespeariennes sur l'exercice du pouvoir, et la complexité d'en donner une image juste à ses sujets, même animé des meilleures intentions.

lundi, octobre 20, 2008

Kenneth Oppel : Fils du ciel / Brise-ciel

J'avais aimé sa trilogie sur les chauves-souris, mais ces deux romans forment un tout tellement palpitant et époustouflant que je fais un nouveau billet sur Kenneth Oppel.

Avec la même originalité que l'univers de Silverwings, il batit tout un univers proche du notre et différent à la fois, une Uchronie comme disent les specialistes.
Mais là où on avait parfois un peu de mal à s'émouvoir pour des chauves-souris, l'empathie et l'identification fonctionnent à plein avec des humains.

Les anglais parlent d'alternate history, terme plus parlant qu'Uchronie. Ici on imagine que le principe des avions n'a pas été découvert et que les dirigeables ont été perfectionnés et généralisés autant que les avions de nos jours. C'est la plus visible mais pas la seule différence technologique entre cet univers et le notre. Des différences dans les échanges commerciaux, les transports de personnes, l'économie mondiale, mais aussi les lois et ceux qui les transgressent, en découlent logiquement.

En même temps qu'on découvre ce monde on est embarqué à bord d'un aérostat et d'une multitude d'aventures faisant intervenir un animal mythique, mi chat sauvage mi oiseau, des pirates de l'air, des épaves flottant à la dérive, des tempêtes, une ile mystérieuse, cela fourmille de références à Jules Verne, voire H.G. Wells, ou à des légendes de notre monde tel le Hollandais Volant et son vaisseau fantôme, mais également aux expéditions des grands explorateurs des siècles passés.

Sensément être un livre pour la jeunesse, les principaux héros de ce diptyque sont des adolescents, aux caractères réalistes et bien dessinés, et dont les confrontations avec des adultes restent vraisemblables. Une belle mais pas insipide histoire d'amour entre Kate et Matt ajoute au suspense haletant, suspense se renouvelant sans cesse dans des rebondissements souvent inattendus quoique réalistes eux aussi.
Un sommet du roman d'aventures.

lundi, octobre 13, 2008

Patricia C. Wrede : Cendorine

On le sait depuis quelques années, les princesses ne sont plus ce qu'elles étaient et les contes non plus.

Dans celui-ci, si les princesses vont encore pour la plupart se faire capturer par des dragons pour être sauvées ensuite par un prince et l'épouser, Cendorine va d'elle-même s'emprisonner chez un dragon afin d'échapper au contraire aux princes et leurs projets matrimoniaux...

Elle n'aime pas broder ni se pomponner mais fait très bien les crêpes suzette et laver les sols, ce qui lui servira contre les sorciers lorsqu'elle découvrira qu'ils fondent et disparaissent lorsqu'on leur renverse dessus un seau d'eau savonneuse avec un filet de citron.

Elle rencontrera bien un prince mais un prince un peu spécial, le genre à déboucher les éviers avec son épée magique, efficacement en plus.
Elle même n'est pas manchote à l'épée ni avec les formules magiques.

Elle sait parfaitement jouer la princesse stupide et superficielle quand il s'agit de paraitre inoffensive et déjouer brillamment les complots de sorciers machos et bêtes à manger du foin.

Comme il ne fait pas être tout de même trop impertinent, tout cela finira par un beau mariage royal. On n'est pas tout à fait dans Shrek mais nul doute qu'on s'en inspire. Et on s'amuse bien à lire les aventures décalées d'une damoiselle intrépide entre dragons paternalistes, sorciers énervés, nain irascible, géante gourmande et magicien flegmatique, sorcière serviable ou bonne fée inutile et dépassée.

mercredi, octobre 08, 2008

Erik L'Homme : le Livre des Etoiles / les maîtres des brisants

Le Livre des Etoiles est la trilogie qui a rendu son auteur célèbre chez les amateurs de fantastique pour adolescents, dès son premier essai.

D'un classicisme certain, peut-être un peu trop, elle se situe quelque part entre les séries Ewilan et Tara Duncan (inférieure à la première et supérieure à la seconde), labourant le même terrain de jeu.

Elle est facile à lire, ni trop longue ni trop courte, sans temps mort, il n'y a pas trop de personnages et leurs noms se mémorisent facilement.

Elle pêche toutefois un peu par manque d'originalité et d'humour.

On retrouve la magie avec rituels, incantations et postures compliquées, et le héros est évidemment un jeune sorcier en apprentissage, on retrouve de jolies cartes imaginaires de l'ile d'Ys habitée par les héros, ainsi qu'une carte du Monde Incertain où ils passent grâce à la magie pour risquer leurs jeunes vies et sauver leur monde.
On retrouve l'habituel groupe d'ados, garçons et filles, qui découvrent la force de l'amitié dans l'adversité, les joies et les chagrins des inclinaisons amoureuses, et les épreuves les souderont tout en les faisant grandir.


Il y a un méchant absolu, comme d'hab, qui va perdre à la fin. Chic.

Comme me le fait remarquer mon fils ainé, il y a des points de suspension à la fin du dernier tome et ça l'embête de pas savoir ce que vont devenir les héros une fois adultes, même si on se doute bien que Guillemot va devenir le plus grand sorcier de son temps, son copain le plus grand chevalier, etc

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Avec ce diptyque l'auteur lorgne cette fois du côté du space opera pour la toile de fond et de Jules Verne ou Stevenson pour l'atmosphère d'aventures maritimes.
Comme dans l'Ile au trésor un des méchants est cuisinier sur un vaisseau, et on ne compte plus les métaphores rappelant les récits de navigateurs du XIXe siecle, tempêtes, brisants, vaisseaux en perdition, abordages, affrontement de flottes ennemies.

D'un côté donc les gentils, issus d'une planète glaciale, avec une bonne tête d'occidentaux du nord et des habitudes et valeurs idoines (démocratie, liberté d'entreprendre très capitaliste, et armée inexistante, constituée quand besoin est de tous les braves capitaines indépendants que compte l'Empire).
De l'autre, les méchants, venus d'une planète désertique et brulante, avec une pas très bonne tête d'orientaux de style Huns, y compris le militarisme et l'esprit de conquête associé, plus la hiérarchisation toute anti-démocratique, avec grands chefs et chamanes associés pour le pire.

Les méchants vont ourdir un plan diabolique à multiples tiroirs, rusé autant qu'habile, paufiné et lancé deux décennies plus tôt, et qui va d'abord sembler piéger les imprévoyants gentils, avant de foirer entièrement par la faute d'un fameux capitaine à l'ancienne mode d'un très vieux vaisseau réservant des surprises, et surtout de trois ou quatre adolescents : une apprentie devineresse, un apprenti pilote issu de la Haute, un apprenti cuisinier issu du bas peuple, et dans le second tome s'y ajouteront une cousine teigneuse du jeune noble et une copine devineresse opiniatre de la première.
Des stagiaires...
qui sauvent un empire, défont une flotte ou organisent la résistance comme en 1940, mais à l'échelle d'une planète.
comme fils ainé actuellement en 3e le sera 3 jours durant (stagiaire) mais probablement avec moins de risques et de gloire à la clé.

Mais si on oublie l'invraisemblance habituelle des livres pour jeunesse où des ados de 12 ans jouent des rôles plus habituellement dévolus à Rambo ou Superman, on se trouve en face d'une histoire très plaisante et prenante, et nettement plus originale que la trilogie ci-dessus. Mais elle a probablement moins de succès car surfant moins sur la mode du fantastique Harry-Pottérien.

vendredi, mai 16, 2008

La guerre des clans, d'Erin Hunter


Dans la longue liste des séries jeunesse mettant en scène des animaux, cette série dont les personnages sont des chats (sauvages principalement) a la première place dans le coeur des 3 membres de la famille lisant des romans jeunesse, et, par imitation, même dans le coeur de celui qui ne les lit pas (encore).

Et pas seulement parce que le chat est l'animal préféré des 3 lecteurs en question.

D'abord parce que, vrai ou non vu que nous ne sommes pas des spécialistes de l'éthologie, Erin Hunter donne l'impression de connaitre parfaitement les moeurs et instincts des chats, ne cédant à l'anthropomorphisme qu'au minimum syndical obligatoire dès lors qu'on fait parler des animaux.
On a une vraie impression de réalisme animalier, comme dans un documentaire de la BBC, de voir la vie de chats sauvages de l'intérieur.

On se sent chat du Clan du Tonnerre pendant les 6 tomes, pris dans la frénésie des intrigues, et, tout autant que dans les romans-fleuves de Hugo, on éprouve tour à tour toute la palette des émotions, on découvre l'amour, l'amitié, la loyauté, la trahison, le malheur, le courage, l'abnégation, la folie, l'ambition, la sagesse, les complots, les alliances, les guerres, les morts, les blessés, les catastrophes, les reconstructions, l'honneur, la victoire, la défaite, le tout dans quelques hectares plus ou moins oubliés des deux-pattes.

Ce que je pensais une difficulté pour mes enfants ne l'était sans doute pas, ou l'était plutot pour moi : il y a environ 70 personnages (chats exclusivement) et c'est moins facile de mémoriser leurs caractéristiques lorsque celles-ci sont du style "mâle au pelage charbonneux" ou "chat aux yeux bleu foncé et à la fourrure gris pâle constellée de tâches plus foncées" (mais finalement j'avais le même probleme avec les longues et un peu ennuyeuses descriptions des personnages de Balzac), problème augmenté par le fait que les chats changent de nom lorsqu'ils changent de statut au sein du clan, structure hyper hiérarchisée.
Par exemple le héros principal de la série a le bon goût de changer 3 fois de nom au cours des 6 tomes.

Après enquête auprès de mes rejetons il apparait que j'avais oublié que les enfants ont une bien meilleure mémoire que les adultes, aidée en plus par leur habitude de relecture constante des tomes de leurs séries préférées, et qu'ils n'avaient aucun mal à s'y retrouver.

Il parait qu'Erin Hunter n'existe pas et qu'il s'agit d'un pseudonyme pour deux écrivaines britanniques qui se relaient pour écrire les tomes de la série.

Personnellement je suis incapable de distinguer des différences entre les tomes, il y a une réelle unité d'écriture et de récit, récit de type initiatique, prenant au départ un jeune chaton domestique qui rêve d'aventure et s'enfuit dans la forêt, se fait adopter par un des 4 clans existant, luttant d'abord pour affirmer sa valeur face à des chats plus forts et aguerris, et souvent aussi imprégnés de préjugés contre les chats domestiques, se faire accepter de tous, apprendre tout ce qui lui sera nécessaire pour survivre dans la forêt et au sein du clan, gagner ses galons de guerrier, survivre aux machinations du lieutenant du chef de son clan, dont il s'est fait un ennemi mortel en découvrant sa duplicité, devenir lieutenant à son tour, assailli des responsabilités des périodes de dangers mortels, puis un jour chef du clan, sage et autoritaire.

jeudi, avril 17, 2008

Joseph Delaney : l'apprenti épouvanteur

De prime abord cette série n'avait rien pour m'attirer : des sorcières assoiffées de sang, des spectres, des démons, des cimetieres, des sabbats sous la lune, toute la panoplie de l'épouvante gothique à bon marché, jusqu'au titre et aux avertissements de la 4e de couverture : "Attention ! Histoire à ne pas lire la nuit...".

Et d'ailleurs je l'ai longtemps laissée sur les étagères du rayon jeunesse des bibliothèques.
Que ce soit dans les films, les livres ou les fetes foraines, se faire peur pour se faire peur n'a jamais été ma tasse de thé.
Mais une fois entré dedans par curiosité et désoeuvrement un jour j'ai été séduit, et j'ai pu constater que je n'avais nullement peur, et pas seulement parce que je suis adulte, filsainé et fifille les lisent, et le soir y compris, sans ressentir d'angoisse.

Alors ça parle de quoi, ça se situe où ?
euh
en Angleterre, dans une sorte de moyen-âge vague et intemporel.
Et il y a de vraies sorcières, elles ont des pouvoirs puissants, mais certaines sorcières sont bienfaisantes, comme la mère de notre jeune héros, et contre les malfaisantes des hommes se lèvent, des savoirs et des méthodes existent, pour combattre le mal. Avec des chaines d'argent, des fosses, des cercueils, des batons. Ces hommes ce sont les épouvanteurs.
Leur métier est dur, mal reconnu, l'Eglise les juge souvent aussi mal que les ennemis qu'ils combattent et pourtant ce sont les seuls efficaces contre les progrès des forces obscures.
Certains sont quasi prédestinés à se lever pour la défense du bien, ce sont les septièmes fils de septièmes fils, tels notre héros, qui va devenir apprenti de l'épouvanteur du comté.
Sa vie sera mouvementée, menacée de nombreuses fois, et pas seulement sa vie, son âme également, il devra faire preuve d'un courage constant, de sagesse aussi. Il connaitra la peur, le froid, la douleur, l'amour.
Le combat contre le mal n'ayant jamais de fin, on peut imaginer que la série ne finira jamais...
Ses qualités ?
Une écriture soignée, élégante et sobre, dont bien des auteurs de littérature adulte devrait s'inspirer (et non je ne citerai pas de nom)
Des intrigues palpitantes, imprévisibles, un suspense qui tient en haleine tout le long des livres, des personnages subtils et profonds, un univers à moitié familier, à moitié étranger mais parfaitement logique.

Ses défauts ?
je ne vois pas. Pas d'humour certes, mais je trouve que ça n'irait pas, de toute façon, des traits d'humour dans ces romans-là, dont seuls le sérieux et l'intelligence avec lesquels ils sont construits les sauvent justement du ridicule que devraient avoir des histoires où des sorcières vous poursuivent avec des ciseaux. (entre autres)

lundi, avril 14, 2008

Eva Ibbotson : Reine du Fleuve

Un roman tendre et limpide dans la pure tradition des romans anglais qui opposent la rigidité et l'inhumanité d'une certaine éducation typiquement anglaise, aux élans du coeur et à la spontanéité d'enfants plein de vie, de tendresse et d'ouverture aux autres et au monde.

Ici une jeune orpheline à héritage échappe à une institution étouffante de l'Angleterre victorienne pour devenir la proie d'une famille malveillante et névrosée installée sur les bords de l'Amazone, et colons anglais jusqu'au bout des ongles dans tout ce que cela peut comporter d'étriqué, sournois et raciste.

Ce sont les indiens d'abord, puis une autre orphelin au grand coeur, métis, qui feront découvrir à l'héroïne un monde de chaleur et de couleur, d'aventures et de découvertes, et la sauveront d'une inexistence terne et triste, et des griffes mortelles de l'avidité.

mercredi, avril 02, 2008

Donna Leon : les enquêtes du commissaire Brunetti

Les 14 (environ) enquêtes vénitiennes de Guido Brunetti se lisent toutes avec plaisir et intéret, à la fois comme des des énigmes policières, comme des plongées dans la société italienne, et comme des visites touristiques de Venise hors des sentiers battus par les touristes.

Le personnage central des livres de Donna Leon, c'est Venise, ses rues labyrinthiques, ses palais pourrissants, sa lagune trainant des cadavres de temps en temps, son âme légèrement corrompue, sa langue, dialecte que ne comprennent que les Vénitiens de naissance.

On suit avec étonnement ou amusement les errements de l'enquête devant faire avec la corruption ou l'incompétence de tous les services de l'Etat, aromatisés de ses étranges rapports sociaux souterrains entre les Vénitiens, faits de clientélisme et d'échanges de bons procédés, on observe la fracture entre l'Italie du Nord et celle du Sud, on voit parfois les tentacules de la Mafia atteindre même l'orgueilleuse et antique cité des Doges.

On suit aussi le commissaire rentrant chez lui, dégustant des plats typiques pour lui et exotiques pour nous, partageant sa vie avec sa femme et ses enfants, et malgré l'éloignement là on se retrouve dans cette petite cellule familiale, de bon aloi mais pas trop idéalisée.

On découvre le petit monde du commissariat, avec son patron politicien et aristocrate jusqu'au bout de ses chaussures de luxe, ses secrétaires stupides ou hacker de génie, ses policiers cruels, ou bornés ou qui font plus qu'honneur à leur uniforme, jusqu'au sacrifice parfois.
Et puis on retrouve les mêmes vices , conduisant aux mêmes morts violentes, que dans le reste du monde.

samedi, février 09, 2008

les chroniques de Spiderwick, de Holly Black

Deux jumeaux et leur soeur ainée emménagent avec leur mère dans une vieille maison au coeur de la forêt.

Dans une pièce secrète ils vont découvrir un livre, ou plutot un guide des êtres merveilleux, habituellement invisibles, qui vivent dans la forêt, et même dans la maison.

Mais être capables de voir les gobelins, trolls et autres griffons ne sera pas sans danger.
Il leur faudra courage, intelligence, adresse et ruse habituelles des jeunes héros de child-fantasy pour se tirer de maints mauvais pas.

Délicatement et délicieusement illustrées par Tony DiTerlizzi, ces chroniques au parfum suranné et désuet semblent tout droit sorties des années cinquante, celles du monde de Narnia, et on a une surprise en découvrant les dates de parution au XXIe siècle.
Comme dans ces vieux romans le sang ne coule pas à flots, on prend le temps de flaner dans le monde de Faerie, et on ne nous en met pas plein la vue pendant 750 pages haletantes.
Au contraire on lit chaque bref tome sans se presser en une demie-heure, écrit gros et farci d'illustrations.
Mes enfants les ont lus aussi, mais plutot malgré ces caractéristiques, car ils préfèrent les sagas violentes et extraordinaires s'étirant sur des milliers de pages.
Cela dit, pour les lecteurs moins dévoreurs de pages, qui ont du mal à lire les Harry Potter à partir du 4e, c'est parfait.

J'ai appris depuis qu'un film allait sortir en avril. A première vue, cette fantasy-là, plutot gentillette, se prête mal à l'illustration à grands budgets, pleines de bruits et de fureurs, dont les versions filmées du Seigneur des Anneaux et des Harry Potter sont les archétypes du film pour ados à succés, sans cesse reproduit avec des histoires différentes, comme dans Eragon.
Mais quand on a pu constater que de Narnia, fantasy aussi métaphysique que lente, les majors avaient réussi quasiment à faire un autre Seigneur des Anneaux, on peut s'attendre à ce que les chroniques de Spiderwick deviennent elles aussi un film d'action et de suspense, avec débauches de créatures magiques et de combats. Alors que pratiquement les seuls combats dans les livres sont des légères escarmouches menées par la soeur ainée qui apprend l'escrime, et que les créatures magiques apparaissent au compte-gouttes, par groupes de quatre-cinq dans le meilleur des cas.

jeudi, février 07, 2008

le bal de Sceaux/ la Vendetta, de Balzac


Il aura fallu ces deux récits assez courts pour que je sache combien je suis conditionné à attendre et espérer une happy end; surtout pour les histoires d'amour.

Difficile d'exprimer ma surprise à la découverte de la fin du bal de Sceaux, une histoire d'amour qui avorte à peine commencée, par la sottise de la jeune femme Emilie de Fontenay.
(d'un autre côté des histoires d'amour avortées avant d'avoir commencé, par la faute d'une jeune femme, j'ai vu en vrai, donc pourquoi pas en livre ?)

Pour la vendetta l'effet de surprise, bien qu'émoussé, joua encore, une fin aussi sombre m'apparaissant complètement immorale (littérairement immorale ?)
Pourquoi un conte qui finit mal serait-il plus immoral qu'un qui finit bien ? C'est surement que pour commencer les histoires réelles ont toujours le mauvais gout d'être désespérantes. Alors pas envie de les retrouver en livres. Si la vie est dégueulasse, autant que les rêves soient heureux.
Balzac a écrit la vendetta avant le classique du genre, Colomba, mais après ou en même temps que le Matéo Falcone du même Mérimée qui mit la Corse au gout du jour littéraire.

samedi, février 02, 2008

Tik-Tok, de John Sladek

Joyeusement féroce, cette odyssée du robot déglingué Tik-Tok dans le but d'exterminer l'espèce humaine.
Et surement pas le livre de chevet de G.W. Bush.
Sous forme de retrocipation (deux lignes narratives s'entremèlent, l'une progressive, l'autre regressive) on suit les progrès de Tik-Tok dans la tuerie jouissive, et les épisodes de sa vie avant le grand changement dans le cours de son existence (son premier meurtre, celui d'une gosse aveugle et boueuse), chez ses maitres successifs, tous plus fous les uns que les autres, avec en particulier un juge à la retraite tueur de robots, l'abbé prédicateur missionnaire et escroc, l'américain moyen, le militaire, etc.
L'échec de Tik-Tok dans sa croisade est bien finalement bien attristant.

jeudi, janvier 31, 2008

Ellen Foster, de Kaye Gibbons

(lu et commenté pour moi-même il y a une douzaine d'années)

une drôle de jeune romancière, avec un visage lisse qui cache tellement de violence.
la petite fille au père ivrogne, bientôt orpheline, errant d'une maison à l'autre.
On croit bien connaître ce genre d'histoires et on s'aperçoit qu'il n'en est rien, que les clichés dissimulent une réalité jamais affadie, qu'on ne sait rien et que c'est à chaque fois différent et unique.
On s'aperçoit qu'on est naïf, qu'il faut à nouveau peu de choses pour être ému, pour être changé.
quelques mots sur des pages de papier blanc.

mardi, janvier 22, 2008

Patricia Elliott : Murkmere & la Porte d'Ambre

Un diptyque plutôt original dans la littérature jeunesse, habituée à labourer les même sillons.
D'ailleurs pas certain que ce soit à ranger en littérature jeunesse, en dehors du fait que les héros soient relativement jeunes.
Original au sens où l'atmosphère sombre et brumeuse le rattache à la lignée des romans gothiques anglais, les Hauts de Hurlevent ou le chateau de Cassandra,
et par le genre, qui le rattache à la fois au réalisme fantastique et aux Uchronies.

Le réalisme fantastique est un genre dans lequel le fantastique est comme pour ainsi dire laissé à la libre interprétation du lecteur : l'auteur ne relate pas directement des faits fantastiques mais des personnages des livres y croient. Par exemple ici la légende des avias, être à moitié humains à moitié cygnes. Superstition ou réalité du monde décrit ? Fifille qui a lu l'ensemble a considéré qu'il s'agissait bel et bien d'une réalité, tandis que j'ai opté pour l'inverse : Leah n'est pas une avia, elle croit l'être et scuff ou aggie le croient aussi mais rien dans le roman ne permet de trancher.
L'uchronie est un univers décalé par rapport au notre, comme si à une certaine époque il avait divergé du notre. Ici bien des détails sont proches de notre monde tandis que d'autres sont radicalement différents. On pourrait ainsi se croire dans une Angleterre à moitié coincée dans une sorte de Moyen-Âge préscientifique à cause d'une religion qui n'existe dans notre monde qu'à l'état de traces superstitieuses rurales : Une religion qui fait des oiseaux des dieux, des démons ou des intermédiaires entre le monde mortel et les mondes divins ou démoniaques. Des oiseaux qui sont des bons présages ou de mauvaises augures dont on tente de se protéger par des talismans ou des prières. Dans ce monde le pouvoir appartient à un personnage très lié à la religion et étouffant les libertés.
Les deux romans sont également initiatiques (les héros apprennent la vie au travers d'épreuves, et découvrent les secrets de leurs origines), et religieux et politiques (des rebelles mystérieux luttent contre le pouvoir théocratique et autocratique et réussiront par le détruire).

Le personnage central et narratrice du premier tome est Aggie. L'histoire se passe dans un domaine à la réputation inquiétante, isolé du village par la lande sauvage. Une toute jeune fille, Agnès Cotter, engagée comme demoiselle de compagnie de Leah, la fille du Maître. Le Maître, un homme puissant devenu invalide suite à un accident, brisé par le décès de son épouse, ancien membre du gouvernement en place. Un intendant retors, à la fois séduisant et habile, qui fait la loi et dicte sa conduite morale à chaque employé. Et un mythe ancien, celui de l’existence des Avia, ces êtres mi-homme mi-oiseau… qui expliquerait la fascination de Leah pour les cygnes.

Celui de la Porte d'Ambre est Scuff qui ne se connaît pas d’autres noms que ce sobriquet et le numéro 102 marqué au fer rouge sur son poignet, preuve de son statut d'orpheline. Pourchassée par les soldats du Seigneur Protecteur et recherchée par les rebelles, elle n'est plus en sécurité au domaine de Murkmere où elle travaille depuis quelques années. Après un séjour dans la lande aux côtés d'Erland et un court passage dans une maison close, ses mésaventures la conduisent à la capitale dans les murs mêmes du palais. Là, elle retrouve Leah, fille du défunt maître de Murkmere et prisonnière du Seigneur Protecteur qui veut lui faire épouser son fils. En approchant la Porte d'Ambre, porte censée donner accès au paradis et considérée comme disparue, Scuff approche également de la connaissance de sa véritable identité.

mercredi, janvier 16, 2008

Pierre Bottero : le garçon qui voulait courir vite.

Par curiosité je voulais découvrir ce qu'avait écrit l'auteur préféré des enfants avant de trouver le succès avec les séries fantastiques d'Ewilan et de l'Autre. (séries que j'apprécie également).
Il écrivait des romans pour la jeunesse plus classiques, ancré dans le réalisme et la vie quotidienne mais de fort bonne qualité.

Agathe, collégienne, a bien des soucis : un père mort brûlé dans sa voiture, un petit frère de 6 ans resté handicapé dans l'accident, une "racaille" qui la terrorise et la persécute, un psy sans émotion qui ne guérit pas son frère (il ne parle presque plus, et essaie obstinément de courir alors qu'il marche déjà tout tordu), une mère qui a des soucis d'argent et doit abandonner la maison familiale pour un appartement.

Grâce à son propre courage, à des rencontres (un garçon de son âge, une psy remplaçante tombée du ciel), des amis (un épicier arabe et son fils), le présent sombre s'éclaircit peu à peu, les esprits et les corps guérissent. Même les racailles finissent par s'amender.

Très bien pour les 10-11 ans.

vendredi, janvier 11, 2008

Pani, la petite fille du Groenland, de Jorn Riel


Pani est une toute petite fille d'un tout petit village posé sur les rives d'un fjord du Groenland.
Pani sait parler et comprendre les animaux, et lorsque la famine s'installera, c'est elle qui partira pour un grand voyage surprenant jusqu'à la maison de la Mère de la mer, afin de l'implorer de laisser les animaux de la mer revenir sur les territoires de chasse des hommes.
L'ours Nanok, la mouette Taterak, le pétrel Kakugdluk, Tornarssuk le narval, l'aideront à accomplir son périple, traverser la Montagne aux mille doigts, franchir le ravin des morts, le lac, et la plaine des coquelicots du Renard Fou, pour arriver au fjord souriant.

Une petite histoire ravissante et dépaysante pour les 8-12 ans (et même pour les papas de 42)