vendredi, juin 22, 2007

Quatre soeurs, de Malika Ferdjoukh


Les quatre soeurs en question sont cinq, comme les trois mousquetaires étaient quatre, mais la tétralogie est plutot un croisement entre les quatre filles du dr march et Ensemble c'est tout, tirant aussi sur le conte de fées avec les fantômes des parents morts dans un accident de voiture rendant des visites impromptues à leurs filles lorsqu'elles ont bien besoin d'un conseil ou d'un soutien, et cette happy end tellement happy que c'en est presque gênant (j'aime bien croire aux histoires qu'on me raconte et j'aime encore plus qu'elles finissent bien mais si c'est trop happy, j'y arrive moins).


A ma première tentative je n'avais pas réussi à entrer dedans et je me demande encore pourquoi, tellement ce fut facile la seconde fois. Cela mélange les rires et les larmes comme une autre tétralogie adolescente Quatre filles et un jean. J'ai ri souvent aux dialogues savoureux et insolents de ces jeunes originales et manqué pleurer lorsque Bettina s'est aperçu que par bêtise elle avait perdu l'amour d'un garçon dont elle était tombée amoureuse trop tard ou que la courageuse Muguette n'a pas triomphé de sa leucémie.

Le texte est émaillé de trouvailles de style, de jeux de mots drôles ou poétiques, de personnages ridicules et de personnages adorables, de situations cocasses et de situations dramatiques, de prénoms et de patronymes déjantés (d'Enid Verdelaine à Béhotéguy Permoullet en passant par Tancrède et Jupitère).

On peut trouver également des ressemblances avec une autre tribu farfelue, celle des Malaussène, mais aucune de ses filiations ne gâchent le plaisir de la lecture.


Tout cela se rattache à un courant de réalisme fantastique qui me parait bien à la mode (mais ne boudons pas notre plaisir), ici une histoire solidement ancrée dans le quotidien d'un bord de mer qu'on imagine breton, avec ses fêtes d'école, ses campings à la ferme, ses goutieres se remplissant de détritus portés par le vent, mais avec ces pointes de délires fantastiques, le gnôme de la chasse d'eau qui cause à la plus jeune soeur, ou bien sûr les parents fantômes qui tantôt apparaissent en tenue de sports d'hiver comme si on faisait du ski au paradis, ou n'apparaissent pas, trop occupés à faire signer une pétition sur les conditions de travail au purgatoire.

jeudi, juin 14, 2007

l'histoire de Merle, de Kai Meyer


Les auteurs jeunesse allemands doivent avoir une prédilection pour Venise.
Comme Cornelia Funke, Kai Meyer situe sa trilogie à Venise.

Une Venise reconnaissable, avec sa lagune, ses vieux palais, ses iles et ses canaux, mais dans un monde alternatif et fantastique, où la sérénissime est encerclée par les armées de momies du pharaon ressuscité, ses prêtres d'Horus et ses sphinx, protégée par la reine des eaux,
un monde où des savants ont découvert que l'Enfer existe bien sous terre,
où le souvenir des empires subocéaniques reste vivace sous la forme de sirenes, de sorcieres des mers et de sous-marins.

Une Venise dont les célèbres lions de pierre ne sont pas des statues mais des êtres vivants, parlants et volants.

Merle est une orpheline, qui sauve la reine des eaux, et part sauver le monde sur le dos d'un lion de pierre.

Sa quête l'emmènera en Enfer, en Egypte dans la forteresse des sphinx, et dans le monde des miroirs, ce monde qui donne accès à tous les autres mondes,
accompagnée d'une orpheline aveugle dont les yeux sont remplacés par des miroirs pour voir dans les autres mondes, par une sirène à qui une sorcière des mers a remplacé la queue de poisson par des jambes, et par un jeune maitre voleur qui lui fera découvrir l'amour avant de se sacrifier pour elle.
Une trilogie fantastique très classique mais agréable.

lundi, juin 11, 2007

Journal d'une princesse, de Meg Cabot


F : - c'est quoi cette c... que tu es en train de lire ? de la collection Harlequin ?
I : - tu connais beaucoup de collection Harlequin qu'on lit en riant pendant 2 heures ?
F : - pourquoi pas, en lisant au 4e degré

Le sujet est ridicule d'accord, et digne de Harlequin, sans conteste. (une adolescente new-yorkaise apprend qu'elle est princesse héritière d'une principauté européenne ressemblant à celle de Monaco)
Mais le moins qu'on puisse dire c'est que le sujet est détourné de toutes les manières possibles (plus quelques autres impossibles à priori).
Alors oui je rigole, et je vais aller chercher les tomes suivants à la bibliothèque.

vendredi, juin 08, 2007

La femme en vert, d'Arnaldur Indridason


fashion victim m'a donné envie de découvrir cet auteur islandais de romans policiers. J'espérais trouver un nouvel Henning Mankell, et s'il y a des parentés entre ces deux mondes froids, celui de l'Islande et celui de la Suède, et entre leurs deux policiers, sombres et blessés, il y a bien plus de différences, finalement.
Arnladur a le don pour raconter des histoires, parfois il s'agit bien moins d'une enquête policière que d'histoires qu'on se raconte au coin du feu les nuits de tempête;
pas des histoires gaies, des histoires assez affreuses même, mais qu'on écoute bouche bée en frissonnant parfois.
L'histoire du policier, la mort de son petit frère dont il se sent coupable, l'échec de son couple, l'abandon forcé de ses propres enfants, la déchéance de sa fille, la mort à nouveau, du bébé qu'elle porte.
L'histoire d'un cadavre retrouvé 60 ans après son enfouissement, racontée un peu suivant le principe de la double hélice d'adn, un brin remontant du présent vers le passé en suivant le fil difficile de l'enquête, un brin partant des évènements plus anciens encore ayant conduit au drame, les deux brins se rejoignant finalement dans l'explication finale, lorsque la Vérité apparait en pleine lumière.
L'apaisement ressenti en refermant le livre fait songer au final d'Electre :
"Comment cela s'appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd'hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé et que l'air pourtant se respire, et qu'on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s'entretuent, mais que les coupables agonisent dans un coin du jour qui se lève ? "
Le malheur a frappé les corps et les âmes, femmes et enfants confondus, longuement et sauvagement, mais justice a été rendue, d'une manière ou d'une autre, et quelques uns ont été sauvés.

jeudi, juin 07, 2007

Les Contemplations, Victor Hugo


J'ai surtout lu et étudié le livre IV, celui des poèmes consacrés à la mort de sa fille.
J'avais presque 20 ans (et comme Nizan, je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie), pas d'enfant et pas de prévision d'en avoir un jour, sauf à innover en me passant d'aide féminine, et pourtant la douleur de ce père-là m'a touché profondément.

Les 10 000 vers des Contemplations ne sont pas tous beaux, pas tous inoubliables, loin s'en faut, mais peu de recueils contiennent un tel nombre de vers émouvants. (c'est subjectif, j'en ai conscience).

Puisque mon coeur est mort, j'ai bien assez vécu.

Je ne me tourne plus, même quand on me nomme

On ne peut distinguer, la nuit, les robes bleues

Des anges frissonnants qui glissent dans l'azur


Et mon coeur est soumis mais n'est pas résigné


Et l'on voit sur le bord de la mer

Fleurir le chardon bleu des sables


Il n'avait qu'à me laisser vivre

Avec ma fille à mes côtés


Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste


Pourquoi m'as-tu pris la lumière

Que j'avais parmi les vivants


Et n'être qu'un homme qui passe

Tenant son enfant par la main


Oh ! l'herbe épaisse où sont les morts


C'était le bonheur de ma vie

De voir ses yeux me regarder


Où la morte au front pâle est comme un lys vivant


Aussi bien, sans être philosophe, Victor Hugo développe une philosophie complexe au travers de poèmes métaphysiques, que l'on m'a faite étudier et que je serais bien en peine d'expliquer maintenant, mais une philosophie duelle où règne le contraste de l'obscurité et de la lumière, contraste qui donne sa puissance à son style fait de fulgurances et de noirceurs, aussi bien dans ses vers que dans ses dessins, moins connus.

Elles sont les blancheurs suprêmes
De tout le sombre gouffre humain

Guider les foules décrépites
Vers les lueurs de l'horizon

Chaque rayon d'en haut est-il un fil de l'Ombre ?

O vivants, serions-nous l'objet d'une dispute
Deux joueurs effrayants apparaissent dans l'Ombre



Mais que ce saphir sombre est un abîme obscur

Nous ne voyons jamais qu'un seul côté des choses
L'autre plonge en la nuit d'un mystère effrayant

Dans l'Ombre où l'on dirait que tout tremble et recule



mardi, juin 05, 2007

la faim, de Knut Hamsun


Je n'ai pas lu ce livre dans l'édition actuelle et d'ailleurs je n'aime pas du tout cette couverture trop mignonne, presque une insulte à un tel livre. D'accord le chapeau haut de forme renvoie à l'époque (fin XIXe) à laquelle il a été écrit, mais donne une image biaisée à mon avis du personnage central et quasi unique du livre. Qui est plus un documentaire qu'un roman.

Quand je l'ai lu, je pensais naïvement que les sdf, les gens qui tombent peu à peu dans l'indigence à partir d'une situation à priori "normale", étaient une invention récente, et voila que je croisais leur ancêtre d'un siecle plus tôt, mais étonnamment moderne.
Ce texte aurait pu décrire tout aussi exactement une des nombreuses victimes actuelles de la lente agonie de l'économie occidentale, à moins que l'économie occidentale soit florissante sur les cadavres de milliers de laissés-pour-compte du même genre, je ne sais pas.
Pas de fioriture dans ce livre, pas de poésie, pas non plus de politique, de revendications, seulement le combat épuisant et la lente déchéance d'un homme seul, possédant pourtant une instruction certaine, mais ne parvenant plus à subvenir à ses besoins les plus immédiats : manger, se vêtir, rester propre et présentable, indispensable sésame pour avoir un espoir de s'en sortir, et revenir dans le monde des vivants, cad de ceux qui ne se demandent pas où ils vont trouver leur prochain repas.
Le titre sobre et choc montre bien quel est le sujet central du livre, tableau clinique de toutes les affres, tous les désordres, toutes les conséquences de la faim quotidienne, jusqu'à l'abandon de toute dignité, de toute espérance, et de la raison elle-même. Un livre que j'ai lu en ressentant constamment une douleur dans le ventre, mais que je conseille pourtant car lire celui-ci ou un autre sur le même sujet, me parait indispensable pour ne pas oublier quelle est notre chance de ne pas connaitre la faim.